De l'ardeur

Avocate, militante des droits de l'homme, figure de la dissidence syrienne, Razan Zaitouneh s'appliquait à documenter les crimes commis dans son pays par le régime mais aussi par les groupes intégristes, à recueillir la parole de ceux qui avaient survécu à la torture et à l'enfermement - quand, en décembre 2013, elle fut enlevée avec trois de ses compagnons de lutte. Depuis lors, on est sans nouvelles. De l'ardeur reconstitue son portrait, recompose le puzzle éclaté de la révolution en Syrie, et du "crime permanent" qu'est devenu ce pays. En découvrant son combat et son sort, Justine Augier, qui a elle-même mis à distance ses premiers élans humanitaires, est saisie par la résonance que cet engagement aussi total qu'épris de nuances trouve dans ses propres questionnements. Récit d'une enquête et d'une obsession intime, partage d'un vertige, son livre est le lieu de cette rencontre, dans la brûlure de l'absence de Razan. Plongée dans l'histoire au présent, De l'ardeur nous donne un accès précieux à cette réalité insaisissable dans son assassine absurdité, et si violemment parallèle à notre confort occidental peu à peu menacé. Et ce, dans un respect absolu de la dignité du langage, dans la lucidité d'une impuissance certaine et néanmoins étrangère à toute reddition.


Commentaire:

Je remercie les éditions Actes Sur et Elle de m'avoir permis de découvrir ce lire.

« De l’ardeur » ne se laisse pas facilement lire car le sujet abordé et l’écriture de l’auteur demandent de la concentration et un esprit de synthèse pour comprendre les tenants et les aboutissements de l’histoire de cette avocate syrienne. Je n’avais jamais entendu parler de Razan Zaitouneh auparavant et on peut rendre grâce à l’auteur de nous l’avoir fait revivre durant le temps d’un livre, d’avoir évoqué ses combats pour plus de libertés et de justice pour son peuple. Ce qui m’a frappée dans ce portrait c’est la détermination de cette jeune femme, son énergie, l’acharnement qu’il lui a fallu pour rassembler des preuves des exactions du régime du clan Hassad puis ensuite de celles des mouvements islamiques ou des groupes rebelles. Je suis restée admirative devant celle qui jusqu’au bout a écrit inlassablement pour témoigner, dénoncer les injustices, demander enfin que l’opinion internationale agisse pour venir en aide aux Syriens prisonniers d’une guerre civile dont ils ne savaient plus comment en sortir. Dans la dernière année avant son enlèvement, on sent le désespoir qui la frappe et cette impression de se battre contre des moulins devient de plus en plus persistante. Ce qui m’a manqué par contre, et là, ce n’est pas imputable à l’auteur, ce sont des connaissances précises sur le conflit syrien car Justine Augier évoque les différentes phases qui ont amené un peuple à manifester contre un régime autoritaire pour se retrouver quelques années plus tard victimes impuissantes de ce même régime, devenu paraît-il le seul rempart contre l’islamisme radical de Daesh. Alors, certes je suis l’actualité mais ce n’est pas suffisant pour appréhender correctement la complexité de ce conflit. De même, l’écriture est dense, pas facile à suivre d’autant qu’elle introduit dans son récit des témoignages de gens dont on ne connaît pas toujours l’identité et les liens avec Razan. Sans compter qu’il lui arrive aussi de livrer ses propres pensées par rapport à Razan ou par rapport à la Syrie. Le tout donnant un texte compact qui ne vous laisse pas beaucoup de respiration. C’est en tout cas le portrait d’une femme admirable qu’il nous est donné de découvrir et qui, grâce à ce livre, survivra longtemps dans les mémoires. 

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