Même dieu ne veut pas s'en mêler
En kinyarwanda, « au-revoir »se dit : « Prends soin de
survivre à la journée ».
Annick Kayitesi-Jozan a survécu au génocide des Tutsis en
1994, au Rwanda. Elle avait 14 ans. Sa mère, son petit frère, une grande partie
de sa famille ont été massacrés. Réfugiée en France, elle apprend au qutodien à
vivre avec les morts, et avec les siens. Désormais, elle doit répondre aux
questions de ses enfants. Alors, elle se souvient. Elle remonte le temps
jusqu’à la cuisine pleine de suie où, pendant les tueries, elle sert de bonne
aux voisins qui viennent de dénoncer sa mère.
Hantée, Annick Kayitesi-Jozan fait converser les bourreaux
et les victimes, se télescoper les naissances et les disparitions, la mémoire
et le présent. Sa voix singulière est portée par une écriture intime, poétique
et poignante.
Commentaire:
C’est un livre terrible qui nous est proposé, le témoignage
d’une femme qui avait 14 ans en ce mois d’Avril 1994, au Rwanda, quand la Radio
des Mille collines a appelé à « travailler » les Tutsis.
Travailler ? Derrière ce verbe qui nous semble si banal, se cachent des
semaines de massacres où des familles entières ont succombé. L’auteure n’a pas
été épargnée qui a vu mourir les siens. Pourquoi a-t-elle échappé à la folie
meurtrière ? Elle-même ne connaît pas la réponse mais une chose est sûre,
quand on lit, ce témoignage, c’est qu’elle est hantée par ses morts, qu’elle
cherche à la fois à en parler pour ne pas oublier et en même temps se taire
pour que peut-être la douleur se taise. Cet ouvrage m’a rappelé celui de Gaël
Faye quand il évoque la même tragédie dans « Petit Pays ». Mais là où
Gaël Faye écrit de la fiction et voile ses mots d’un peu de pudeur, Kayitesi
dévoile une vérité nue, crue et difficilement soutenable sur ce qu’elle a vécu.
Je ne sais pas ce qui est plus horrible dans ce témoignage : les
massacres, le rire de sa voisine quand elle lui explique qu’elle a vu le corps
de sa mère donné aux chiens ou son retour au pays quand elle discute avec ceux
qui ont assassiné sa tante et son oncle comme si de rien n’était , la
visite au Mémorial menée par une survivante au ton si débonnaire pour évoquer
une telle ignominie ? Je ne peux pas dire que j’ai aimé, ce serait
indécent de ma part. Je dirais que ce livre m’a secouée même s’il n’est pas
parfait. Annick Kayitesi-Jozan a fait le choix de bousculer la chronologie, les
différents chapitres alternant avec les événements de 1994, puis 20 ans plus
tard, pour revenir aux années 2000 si bien que notre attention fluctue à
certains moments. Elle a voulu évoquer aussi son mari, certes on comprend qu’il
est un soutien essentiel mais ce qui se passe avec lui et la rencontre avec sa
belle-famille n’a pas d’intérêt intrinsèque. Il reste un témoignage essentiel
sur ce génocide mal connu, une voix pour ne pas oublier ceux qui ont été
assassinés parce qu’ils étaient des Tutsis.
C'est un ouvrage que j'ai lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de Elle
Je suis tout a fait d'accord, c'est un livre difficile à lire de part son sujet et qui nous secoue.
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