La salle de bal

Lors de l'hiver 1911, l'asile d'aliénés de Sharston, dans le Yorkshire, accueille une nouvelle pensionnaire : Ella, qui a brisé une vitre de la filature dans laquelle elle travaillait depuis l'enfance. Si elle espère d'abord être rapidement libérée, elle finit par s'habituer à la routine de l'institution. Hommes et femmes travaillent et vivent chacun de leur côté : les hommes cultivent la terre tandis que les femmes accomplissent leurs tâches à l'intérieur. Ils sont néanmoins réunis chaque vendredi dans une somptueuse salle de bal. Ella y retrouvera John, un "mélancolique irlandais". Tous deux danseront, toujours plus fébriles et plus épris. À la tête de l'orchestre, le docteur Fuller observe ses patients valser. Séduit par l'eugénisme et par le projet de loi sur le Contrôle des faibles d'esprit, Fuller a de grands projets pour guérir les malades. Projets qui pourraient avoir des conséquences désastreuses pour Ella et John. Après Le chagrin des vivants, Anna Hope parvient de nouveau à transformer une réalité historique méconnue en un roman subtil et puissant, entraînant le lecteur dans une ronde passionnée et dangereuse.



Commentaire:

J’ai lu « La salle de bal » en espérant retrouver la sonorité qui m’avait plu dans son précédent roman « Le chagrin des vivants ».J’en ai retrouvé en tout cas la structure : l’auteur a choisi de nous raconter son histoire à travers trois personnages : Ella, John et Charles. L’action se passe en 1911, en Angleterre, dans un asile où on accueille plus de marginaux ou de gens qui dérangent que de véritables fous. Voici Ella, enfermée dans cet asile, après un geste de révolte dans l’usine textile où elle trime. Voici John, un irlandais qui ne se remet pas de la mort de sa petite-fille, enfermé pour mélancolie. Voici Clem, jeune fille issue de la bourgeoisie, enfermée parce qu’elle refuse un mariage de convenance. Voici Charles, enfin, un médecin qui pense guérir les âmes par la musique en organisant chaque vendredi dans une salle immense de l’asile un bal. Les « malades » conviés sont d’abord triés selon des règles qui leur échappent, puis conduits dans cette salle et tous sont invités à se trouver un ou une partenaire pour danser. Moment incongru dans un quotidien très strict où la moindre protestation est punie par l’isolement dans une cellule. C’est dans ce cadre que naît l’amour entre Ella et John, un amour interdit entre deux êtres considérés comme des dégénérés par Charles Fuller. Au début du roman, on regarde ce médecin avec empathie, on le voit chercher à améliorer l’état des malades qui lui sont confiés et il se persuade pendant un certain temps que la musique est la clé qui permettra de les guérir. Et, puis en chemin, il se fourvoie et écoute de plus en plus les voix d’eugénistes qui considèrent que la nation anglaise est en danger et qu’il faut empêcher les gens inutiles, comprenez les classes sociales miséreuses, de se reproduire. Idée nauséabonde, s’il en est, qui donne alors au roman une consonance dramatique : que vont devenir Ella et John ? Que va tenter le Dr Fuller envers eux ? C’est d’autant plus effroyable que du haut de sa vertu, il est persuadé de bien faire. Et lui, si sensible au début, devient un fat prétentieux doublé d’un incompétent. Si je m’attarde autant sur ce personnage c’est qu’il est l’élément central du roman et que le destin du couple Ella/John mais aussi celui de Clem dépend de lui. Comme dans le précédent roman, j’ai été séduite par l’histoire, par l’écriture, par la douleur qui plane dans cet asile. Douleur des corps, douleur des âmes et violence des hommes. 

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