Les passeurs de livres de Daraya

De 2012 à 2016, la banlieue rebelle de Daraya a subi un siège implacable imposé par Damas. Quatre années de descente aux enfers, rythmées par les bombardements au baril d’explosifs, les attaques au gaz chimique, la soumission par la faim. Face à la violence du régime de Bachar al-Assad, une quarantaine de jeunes révolutionnaires syriens a fait le pari insolite d’exhumer des milliers d’ouvrages ensevelis sous les ruines pour les rassembler dans une bibliothèque clandestine, calfeutrée dans un sous-sol de la ville.

Leur résistance par les livres est une allégorie : celle du refus absolu de toute forme de domination politique ou religieuse. Elle incarne cette troisième voix, entre Damas et Daech, née des manifestations pacifiques du début du soulèvement anti-Assad de 2011, que la guerre menace aujourd'hui d'étouffer. Ce récit, fruit d'une correspondance menée par Skype entre une journaliste française et ces activistes insoumis, est un hymne à la liberté individuelle, à la tolérance et au pouvoir de la littérature.


Commentaire:


J’ai lu ce livre dans le cadre du Grand Prix du Jury des Lectrices de Elle et avant même d’en découvrir la première page, j’avais lu de bonnes critiques. Alors, certes, on évoque à nouveau la guerre en Syrie et son cortège de souffrances et de morts. On a déjà eu à lire « De l’ardeur » peu de temps auparavant qui évoquait déjà ce pays déchiré. Alors, se plonger de nouveau dans cette toile d’araignée qu’est devenu ce pays, lire à nouveau les destructions, la mort ?  Oui, ne serait-ce que pour ces jeunes gens dont parle Delphine Minoui : Ahmad, Omar, Shadi qui, dans une Daraya peu à peu rasée, sont restés et ont entrepris de constituer une bibliothèque pour tous. Face à un régime bien décidé à broyer ceux qui osaient remettre en cause son pouvoir, ils ont  trouvé un moyen de résister. Et quel moyen ! La lecture face à la mort, les livres face à un pouvoir totalitaire, la connaissance face à l’endoctrinement mis en place par le régime. Delphine Minoui est entrée en contact avec eux, parfois difficilement quand la ville subissait les coups vengeurs de l’armée de Bachar , s’interrogeant sur cette idée un peu folle d’une bibliothèque installée en sous-sol alors que tout manque. Des entretiens qu’elle a pu avoir avec Ahmad, Omar et d’autres, on comprend que la lecture leur a révélé un monde dont ils étaient privés depuis leur naissance, un monde d’idées et non plus celles du parti au pouvoir. Un monde qui leur a donné  l’espoir d’une vie différente. Mais pas seulement, on ne lit pas seulement pour s’instruire, on lit aussi pour rêver, s’évader, être touché par la grâce ou la beauté de certains textes. C’est ce qui m’a le plus touché dans ce livre, voir que dans des situations terribles, quelques mots sur du papier valent tous les réconforts possibles. Lire quand on ne peut plus pleurer, lire pour se préserver une bulle d’humanité.  Certes, Daraya a été écrasée, laminée et vidée de ses derniers habitants.  Ahmad, Shadi ont dû fuir abandonnant le peu qu’ils avaient derrière eux. Leur bibliothèque a été pillée, les livres éparpillés et vendus par les soldats de Bachar.  De ce projet magnifique, il ne reste plus rien ? Si, la certitude que la lecture les a sauvés de l’obscurantisme. Il n’y a pas plu bel hommage fait à la lecture que cet ouvrage. Je vous le recommande.

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